«Le monde est beau, hors de lui, point de salut.»Albert Camus, NocesAu lecteurJe reviens d'un long et beau voyage commencé à la fin de l'été 2008.L'automne vient juste de se poser sur la Corse, les brumes de chaleur ont disparu, et je la survole dans une lumière douce. Ma petite machine volante fonctionne à merveille ; elle est robuste et fidèle, même si je suis parfois sévèrement secoué. J'ai le nez au vent ; je suis heureux. De la Giraglia à Bonifacio, la côte entière défile sous mes pieds. Les paysages s'enchaînent. De rocher en rocher, différentes mers nous encerclent. Je mesure ma chance et je sais déjà que mon voyage ne s'arrêtera pas là : il me faudra revenir et aller plus loin.En juin de l'année suivante, je reviendrai pour voir la Corse sous une autre lumière. J'irai plus tard dans le Nord, en commençant par la baie de Somme que je découvrirai à marée basse, élégante et lumineuse. Il a fallu de nombreuses heures de vol pour ce voyage, et, souvent, repasser par les mêmes lieux, car tout change si vite sur le bord de mer. Une lumière au matin et une lumière le soir, un vent faible et un vent qui se lève : vous avez Ouessant qui dort ou Molène en colère. Tout cela avec un appareil qui voit beaucoup mais prend si peu qu'on n'en voit jamais la fin.Mon coeur, mes préférences photographiques sont plutôt du côté des enfants d'André Kertész, d'un monde qui se photographie en noir et blanc. La photographie aérienne, elle, se nourrit, pour l'essentiel, de la couleur. Elle en abuse même, comme elle peut abuser des géométries faciles qui ne surprennent plus. Si le plaisir du voyageur était présent, l'exercice photographique n'était pas sans écueils. Nous avons donc, l'équipe qui m'entoure et moi-même, essayé de construire un livre sans lourdeurs chromatiques, sans ces charges colorées qui, à force de séduction facile, finissent par lasser le regard.Étonnés aussi de voir que les livres illustrés ne se lisent pas vraiment, nous avons tenté de rapprocher le texte de l'image et de faire place par certains collages à la fantaisie, en dépit de la règle, trop prégnante à mon goût, de ne pas toucher aux sacro-saintes images. C'est cette même fantaisie que j'ai rencontrée à Bonifacio, au Mont-Saint-Michel ou à Port-Grimaud, entre autres, et que je voulais retrouver dans ce livre.Hervé Tardy