À l'aube du 15 janvier 2004, l'Éridan et le Bugaled Breizh, deux chalutiers de Loctudy, pèchent ensemble au large du cap Lizard, en Cornouailles britannique. Un hélicoptère gris vient les survoler. En fin de matinée, alors que les deux bateaux se sont éloignés, Serge Cossec à la barre de l'Éridan reçoit un appel d'Yves Gloaguen, patron du Bugaled Breizh : «Viens vite, je chavire !» Il a à peine le temps de lui demander sa position et de la noter que la VHF grésille et s'étouffe. Il s'est écoulé moins d'une minute : 37 secondes calculeront plus tard des spécialistes. Le silence est définitif. Il est 12h25.La météo est «maniable» comme disent les marins. L'Éridan fait vite route vers le lieu du naufrage, mais avant de l'atteindre, l'équipage aperçoit un hélicoptère gris - est-ce le même ? - en vol stationnaire. Serge Cossec appelle le CROSS du cap Gris-Nez (Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage), l'organisme qui, depuis le Pas-de-Calais, contrôle tout le trafic de la Manche. Il lui est répondu que l'appareil vient sans doute de la Base de sauvetage de Falmouth prévenue par la balise du Bugaled Breizh, qui a commencé à émettre dès qu'elle s'est décrochée automatiquement sous la pression de l'eau. Problème : on apprendra plus tard qu'à ce moment de l'échange radio, les secours n'avaient pas encore décollé ! D'où sort donc cet hélicoptère gris aperçu de loin en vol stationnaire au-dessus du lieu du naufrage, puis disparaît ?Excusez-nous, ça a coupé !On n'en saura pas plus, car l'enregistreur de communications du CROSS cap Gris-Nez tombe brusquement «en panne». On apprendra le soir que quelqu'un, «par inadvertance», a actionné l'interrupteur au tableau électrique. Troublant : ce genre d'incident, doublé d'un effacement de cassette, s'était déjà produit dix ans auparavant lors du naufrage de La Jonque sur lequel Bernard Thomas du Canard Enchaîné avait enquêté et relevé des anomalies embarrassantes. Pourquoi couper les communications ? Cette conversation autour de la présence d'un hélicoptère militaire est gênante : elle révèle qu'une manoeuvre est en cours. D'autant que Serge Cossec a noté que l'hélicoptère portait une grosse boule noire qui, selon Charles Hattersley, ancien sous-marinier britannique, aujourd'hui avocat spécialisé, est un sonar de détection des sous-marins.Et à un journaliste qui soupçonne le CROSS de manipulations et posera ouvertement la question :- N'avez-vous jamais reçu de consigne vous demandant de couper l'enregistreur ?le directeur répondra catégoriquement, sans autre justification :- Non jamais !Pour obscurcir encore plus le tableau, la cabine de l'Éridan est fracturée au port quelques jours après son retour et l'ordinateur de bord est dérobé. Des larcins de ce genre ne sont pas rares, mais en général les malfaiteurs s'en prennent à plusieurs bateaux et à divers équipements faciles à emporter. Ici la cible est précise : l'Éridan et son ordinateur ! Le disque dur contenait-il quelques vérités ?