ExtraitExtrait de l'introductionJ'assiste à un cours de physique à l'université. Je reste à ma place au fond de la salle tandis que les étudiants se rassemblent par petits groupes devant les tableaux blancs qui bordent les murs de l'amphithéâtre. Ils sont prêts à s'attaquer à l'équation du jour.La résolution de l'exercice s'effectue par à-coups ; on efface beaucoup et des querelles commencent à s'élever au sein des groupes de travail. J'aperçois brièvement mon fils de neuf ans : il est au premier rang et discute avec aisance avec son professeur. Le sentiment de frustration s'intensifie dans la classe. Finalement, mon fils approche une chaise d'un tableau blanc et grimpe dessus. Même sur son perchoir, il lui faut se tenir sur la pointe des pieds et tendre le bras au maximum pour atteindre le tableau.C'est la première fois qu'il est confronté à cette équation, tout comme les autres étudiants de la classe, mais il ne prend pas le temps de réfléchir. Au contraire, les chiffres apparaissent avec rapidité et fluidité sous son marqueur. Bientôt, tous les visages de la salle sont tournés vers lui. Les étudiants des autres groupes s'interrompent pour dévisager ce petit garçon qui porte sa casquette de base-ball à l'envers. Mon fils ne remarque pas les spectateurs bouche bée, il est délicieusement captivé par les chiffres et les symboles qui flottent sur le tableau. Ils s'étalent, de plus en plus nombreux, à une vitesse incroyable. D'abord sur cinq lignes, puis dix, puis quinze, débordant sur le tableau voisin.Il se met bientôt à parler aux membres de son groupe, montrant du doigt, expliquant, posant des questions dirigées comme le ferait un professeur. Une femme à la mine grave, les cheveux noués en une tresse africaine, s'approche pour écouter. Elle est rejointe par un jeune homme aux épaules voûtées qui hoche vigoureusement la tête à mesure que la lumière se fait dans son esprit.En quelques minutes, tous les étudiants du premier rang sont rassemblés autour de mon petit garçon. Lorsqu'il expose un piège qu'il a repéré dans l'équation, il se met à sautiller de joie. Un étudiant barbu pose une question. Je jette un regard au professeur : il est appuyé contre le mur, un sourire aux lèvres.Maintenant qu'ils ont compris le problème, les étudiants rejoignent leur propre groupe, et leurs marqueurs commencent à s'agiter. La tension qui les habite est palpable. Personne dans cette salle n'aime plus cette équation que mon fils.Le cours est terminé et l'auditorium se vide. Mon fils range ses marqueurs, discute sur un ton animé avec un camarade d'un nouveau jeu vidéo de NBA qu'ils convoitent tous les deux. Tandis qu'ils remontent l'allée, l'enseignant s'approche et me tend la main.- Madame Barnett, je voulais vous dire que j'étais absolument ravi d'avoir Jake dans ma classe. Il fait ressortir le meilleur en chacun des autres étudiants, à n'en pas douter. Ils ne sont pas habitués à ce genre d'enseignement. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas complètement sûr d'être moi-même en mesure de suivre votre fils !Je ris avec lui de sa plaisanterie.- C'est toute l'histoire de ma vie !