Extrait de l'introductionVille marxiste, terre de mission sortit des presses en octobre 1957. Madeleine en avait décidé la publication à la fin du mois de novembre 1956, à la suite d'une entrevue avec le cardinal Feltin auquel elle avait donné à lire un certain nombre de documents, déjà soumis à Mgr Veuillot, alors membre de la secrétairerie d'État, à Rome, avec lequel ces textes avaient été travaillés.Mais il faut faire remonter beaucoup plus avant ce qu'on peut appeler l'acte de naissance de Ville marxiste. Le 12 août 1954, Madeleine envoie à Mgr Veuillot un premier document, accompagné d'une lettre. Dans cette lettre, elle rappelle d'abord au prélat français l'audience que lui a accordée Pie XII à Castel Gandolfo au début du mois d'août 1953, au cours de laquelle il lui a répété trois fois le mot «apostolat». L'insistance du Pape sur ce mot a déclenché chez elle toute une réflexion qui a influé profondément sur sa conception de l'évangélisation. Elle y reviendra souvent durant les années suivantes comme un événement majeur :Durant la semaine que je devais encore passer à Rome, j'ai essayé de redécouvrir ce que voulait dire «Apostolat». J'ai cru comprendre qu'entre lui et notre mot «mission», il y avait tout un décalage; la mission avait mis en lumière certaines réalités que l'apostolat ne pouvait oublier, mais elle avait, en revanche, oublié certaines conditions essentielles à toute évangélisation.Quelles étaient donc ces conditions essentielles ? Elles se résumaient en fait en un seul mot : la gloire de Dieu. Que Dieu soit glorifié, c'est-à-dire connu et aimé, voilà ce qui devait orienter, selon Madeleine, toute action apostolique :Cette perspective rétablissait, comme d'un seul coup, le manque de dimension dont la mission semblait souffrir. Elle faisait aussi tomber toutes les fausses patiences en éclairant le premier impératif apostolique : que Dieu, pour tout le monde marxiste, cesse d'être mort.Pourquoi le monde marxiste ? Tout simplement parce qu'elle vivait à Ivry-sur-Seine, en milieu marxiste et que c'était son premier lieu d'apostolat. Mais aussi parce que, en cet été 1953, la crise des prêtres-ouvriers s'annonçait de plus en plus, et que le marxisme, même s'il n'en était pas le seul élément, était au coeur de cette crise. Or, peu à peu, au fur et à mesure qu'elle fréquentait de plus près les marxistes, Madeleine s'était convaincue des dangers que courait la foi des chrétiens au milieu des marxistes, si certaines conditions n'étaient pas assurées :La rencontre des tentations propres à ce milieu m'avait lentement convaincue de certaines nécessités sans lesquelles le chrétien y devient la proie de l'un ou l'autre de deux dangers : cesser d'être chrétien ou cesser d'être missionnaire.