ouvre les yeux et sa conscience émerge avec peine du trou noir où elle s'était engloutie. Il bouge ses jambes, dans un réflexe de survie qui le pousse à fuir.L'image nette du camion - avec sa rampe de phares au-dessus de la cabine - se superpose à la réalité de ce qui l'entoure. Il gémit de terreur, roule sur le côté et tente de se relever.En rafale, les visions de cauchemar l'assaillent. La route luisante de pluie, avec la calandre du trente tonnes venant à sa rencontre. Les bruits éclatent ensemble, stridents et confondus : freins qui hurlent d'impuissance, klaxons bloqués, vitres brisées, tôles déchirées.Hugo est retombé à plat ventre, le visage dans la boue. Il respire avec difficulté. U sait que les sons n'existent plus que dans sa mémoire, que l'accident est terminé et qu'il est vivant. Il prend appui sur ses mains et sur ses genoux pour se soulever, dans le sursaut d'une nausée. Il vomit sans douleur, la tête pendant entre les bras. Il n'a aucune force pour lutter contre le vertige qui le plaque au sol. Il subit une interminable sensation d'évanouissement. Happé par une nouvelle syncope, il met plusieurs secondes à surmonter sa défaillance. Quelque chose d'obsédant rampe à l'intérieur de lui-même, affleure, puis se fraie un passage jusqu'à devenir compréhensible. - Isabelle !Hugo voulait crier mais il n'a que balbutié. Ce murmure heurte pourtant son esprit avec violence et lui rend sa lucidité. Il se traîne jusqu'au bord du talus et découvre la Porsche en contrebas, déjà attaquée par les flammes. Il accomplit un effort considérable pour se lever, persuadé qu'il n'y parviendra jamais.En état de choc, il ne ressent qu'un total épuisement qui ralentit tous ses gestes. Il enregistre d'un coup que l'épave brûle et qu'une silhouette gesticule au milieu du brasier. Il se met à courir sans l'avoir décidé, mais il ne franchit que quelques mètres avant de tomber. Des mains se sont accrochées à ses jambes. Il se débat, obnubilé par l'urgence, tendu vers Isabelle qui reste prisonnière de l'enfer.