AurélienJ'ai toujours beaucoup de mal à me lever le matin, surtout quand je suis en vacances. Je n'ai aucune difficulté à me réveiller. En général, je me réveille très tôt et de bonne humeur. Je tiens ce trait de caractère de Juliette, ma mère, ma mère «biologique» comme elle le dit parfois pour faire enrager Bénédicte, même si moi j'ai plutôt tendance à penser à elle comme à ma mère «tout court». Mais à la différence de maman, une fois réveillé, je ne me lève pas d'un bond pour commencer ma journée en fanfare. Je préfère traînasser dans mon lit, écouter de la musique, bouquiner, regarder le soleil se lever par la fenêtre ou la pluie recouvrir d'un voilage brumeux le grand chêne du jardin.Ce matin n'est pas très différent des autres. Il est déjà dix heures et je n'ai aucune envie de sortir de sous ma couette. Milfred est déjà passé plusieurs fois devant la porte de ma chambre. Il l'a griffée consciencieusement pour me faire comprendre qu'il était temps que je me lève et que je vienne lui frotter le ventre ou que je l'accompagne chasser des souris imaginaires qu'il semble être le seul à voir et à sentir. Seulement, pour une fois, ma paresse n'est pas la seule responsable. Aujourd'hui est un jour spécial. Celui de mon dix-septième anniversaire. Depuis une heure, maman est en train de s'activer dans la cuisine. Elle essaye de ne pas faire de bruit pour ne pas me réveiller. Comme elle l'a toujours dit, le jour de mon anniversaire est un jour férié. Que le calendrier grégorien ne partage pas son avis, ne l'a pas freinée le moins du monde. Je ne dois pas travailler le jour de mon anniversaire. Il appartient donc à mes professeurs, à la directrice de mon lycée comme plus tard, il appartiendra à mon patron, de le comprendre. C'est elle qui fixe les règles. Elle est le législateur de notre calendrier. Le reste du monde n'a qu'à s'y adapter. Point barre !Cela fait bien une heure que je l'entends traficoter des trucs dans la cuisine. Maman est une fine cuisinière. Elle a un don inné avec les aliments. Comme elle aime à le répéter, elle n'a jamais eu besoin de suivre une recette. Et c'est vrai... Elle mélange tout comme elle le sent, «au feeling», et il en ressort toujours une merveille, un truc incroyablement bon. J'ai abandonné depuis longtemps l'idée d'arriver à faire la même chose. Petit, je furetais derrière elle dans la cuisine pour comprendre le truc. Je n'ai jamais compris. Ça doit être comme avoir les mains vertes. On les a ou pas. Maman a les doigts sucrés salés et je n'ai pas hérité d'elle. Il ne me restait donc qu'à suivre scrupuleusement des recettes (et encore) ou à profiter sans remords de ses petits plats. Ma paresse, ma gourmandise et moi avons opté pour la seconde solution.