ExtraitJuillet 2000Yann achève son ouvrage. Les oreilles dressées vers l'infini, Pétronille tourne vers lui un regard interrogateur. Quoi ! Il s'arrête déjà ? L'ânesse n'en revient pas. Son maître vient tout juste de commencer à l'étriller et elle voudrait que cela dure toujours. Elle lui offre sa fidélité, sa tendresse. Il pourrait tout de même s'occuper d'elle un peu plus souvent et surtout plus longtemps.C'est vrai que Yann consacre peu d'heures aux animaux. Professeur de lettres au lycée Malherbe de Caen, il passe plus de temps à préparer ses cours et corriger des copies qu'à entretenir le domaine. Domaine est un grand mot. Belle propriété plutôt, héritée des parents d'Héloïse, sa femme, quand sa mère devenue veuve a décidé de tirer sa révérence à son tour. Propriété baptisée «Le Lilas blanc» dans laquelle ils sont entrés il y a dix ans, au grand émerveillement de leurs deux filles, Séverine et Isa, qui en auraient presque oublié qu'elles portaient le deuil d'une bien adorable grand-mère.Un an plus tard, sept hectares de terres agricoles étaient vendus ; vaches, moutons, chevaux avaient trouvé preneur à bon compte, fenêtres et volets avaient été remplacés par de l'aluminium et des doubles vitrages, les portes vermoulues sous lesquelles s'engouffraient les vents dominants par des baies vitrées et le corps d'habitation, dont la pierre avait été soigneusement restaurée, triomphait, épaulé par les dépendances en U qui encadraient la vaste cour où ne se déplacerait plus jamais le bétail regagnant étables et écuries.