AvantAvant, j'étais très complexée.Je ne me suis jamais trouvée spécialement jolie, ni franchement intéressante, et je me souviens du jour précis où, en arrivant au collège les cheveux attachés pour la première fois, un de mes copains me dit que ça ne me va pas aussi bien que de les avoir détachés. À partir de ce jour-là, je commence à pleurer, et je ne vais arrêter que pas mal d'années plus tard.Avant, je me trouvais moche.Je me rappelle que mes proches tentent de m'expliquer que lorsque l'on ne s'aime pas, on aime mal et qu'on ne peut pas être aimé, qu'il s'agisse d'amour ou d'amitié. J'entends mais je n'écoute pas.Avant, j'étais très complexée, je me trouvais moche, mais en famille j'étais heureuse.Nous vivons, mon père, ma mère, ma soeur et moi, dans une jolie maison à Saint-Mandé juste en face de l'immeuble où habitent mon oncle, ma tante et leurs fils, dont on ne se sépare que rarement. Nous partons ensemble tous les étés, en voilier, visiter un grand nombre de pays. Le souvenir de ces moments privilégiés me remplit encore aujourd'hui et me donne de la force.Avant toujours.Mon univers se résume à mes parents et ma soeur, je passe mon temps à espérer qu'il ne leur arrive rien de grave. Chaque seconde de ma vie leur est dédiée sous forme de prières pour que leur existence soit la plus douce possible, ma tête et mon coeur sont envahis de souhaits les concernant. S'ils vont bien, je vais bien.Je suis élevée par un père et une mère qui ont décidé que la meilleure façon d'évoquer quelque sujet que ce soit, même les moments tristes - qui ne sont pas très nombreux à cette époque, je dois dire -, est l'humour. C'est donc en nous faisant rire que mon père nous apprend la mort de notre chien, ou, quelques années après, celle de son meilleur ami. Mais j'arrête rapidement de rire pour pleurer, pleurer et encore pleurer. Je perds quelqu'un que j'aime. J'ai une raison concrète d'être triste pour la première fois de ma vie, mais j'ai déjà dix-neuf ans, j'ai de la chance.