ExtraitLe 31 décembre 1966, à cinq heures et demie de l'après-midi, le producteur de cinéma Raoul Lévy frappe à la porte de l'appartement d'Isabelle Pons, au n° 38 de la Résidence du Casino, à Saint-Tropez.- Ouvre-moi, Isabelle.Isabelle ne veut plus le voir. Surtout pas ce soir. Elle a prévu de passer le réveillon, tranquille, avec ses parents.- Je veux te parler, c'est tout.Elle se méfie. Il est vraiment terrible. Si elle le laisse entrer, ça va durer des heures. Elle sait exactement ce qu'il va lui dire, la même chose qu'il lui promet depuis des semaines : un film qui va faire sa gloire, sa fortune, mais il y a erreur sur toute la ligne, elle n'a aucune ambition de starlette, elle a vingt-deux ans, il en a le double, elle ne veut pas devenir sa maîtresse, elle ne veut pas de son amour, elle n'y croit pas.- Laisse-moi, lui dit-elle tandis qu'il frappe à la porte, de plus en plus fort.Elle a l'impression qu'il frappe avec un bâton, elle commence à avoir peur, elle appelle son père au téléphone :- Je ne sais plus quoi faire, je crois que Raoul est devenu fou.- Allons, tu exagères.Les coups redoublent à la porte.- Isabelle, ouvre-moi. Ma voiture est en bas, je pars, je veux te dire au revoir, c'est tout.Elle hésite, il a probablement bu. Il recommence à cogner à la porte, mais avec fureur, sans s'arrêter.- Va-t'en, Raoul, je t'en prie. Je veux rester seule. Elle n'imagine pas que le bâton avec lequel il cogne la porte est un fusil de chasse. Le coup de feu éclate.Le silence se fait, pas exactement le silence, Isabelle entend un râle derrière la porte, elle s'approche, elle se doute, elle ouvre et découvre le corps de Raoul gisant sur le palier. La décharge de chevrotines lui a arraché le bas-ventre, il y a du sang partout. Isabelle crie.