ExtraitExtrait de l'avant-propos Quelle idée ! Était-ce judicieux de tenter pareille aventure, d'entreprendre l'écriture d'un livre alors qu'on a consacré une grande partie de sa vie à la peinture et à des élèves, leur enseignant la redoutable discipline, obligatoire et optionnelle, des arts plastiques ? Un prof de dessin... «Faut laisser ça aux spécialistes» diront certains, «aux littéraires, les vrais, ceux qui en ont reçu la formation ou, en tout cas, utilisent les mots parce que ce sont leurs outils, les poètes, les penseurs, les auteurs, pour ne pas les citer, les écrivains !». Sont-ils pris par l'idée fantasque de peindre, de sculpter, de graver ou encore d'installer, eux ? Que répondre ? Peut-être...Au début du crépuscule d'une vie, s'il est encore un peu tôt pour tirer des bilans et faire des comptes, se demander quelle a été la part des vrais choix et des fausses décisions, savoir si les échecs et les réussites ont eu le poids qu'on leur prête et tenter de répondre à cette question, pourtant usée jusqu'à la corde : «Et si c'était à refaire ?», un regard dans le rétroviseur peut alors - quand même - permettre de donner quelques débuts d'explications à ce que l'on est devenu, à cette destinée plus qu'avancée.Eh oui, qu'est-ce qui a bien pu se passer pour que je me livre, corps et âme, à la création plastique au point de presque tout lui consacrer, de fabriquer des «mensonges» qui ne sont qu'obsessions de vérités ? Étais-je appelé ? Quelqu'un me parla d'une entrée en religion. Le hasard ne pouvait en être la seule cause, pas même des circonstances particulières, il devait y avoir des raisons enfouies, profondes, emmêlées, inconscientes. Même si l'oeuvre artistique réalisée ne présente pas toutes les innovations technologiques et pertinences sémantiques que l'on trouve dans la plupart de celles, officiellement, exposées ici et là, elle a quelque mérite, ne serait-ce que cette touche personnelle que monsieur Ladmiral tente d'expliquer à Irène, sa fille, dans le très beau film de Bertrand Tavernier Un dimanche à la campagne. Cette dernière lui reprochant d'être resté trop raisonnable, il répond : «Bien sûr, l'impressionnisme, Cézanne, Degas, Monet, Caillebotte, Renoir... Mais si je les avais suivis, qu'est-ce qu'il serait advenu de ma petite musique personnelle ?»