ExtraitExtrait de l'avant-propos C'était lors d'un été pourri dans le Vaucluse. Pierre Autin-Grenier recevait la visite d'un journaliste responsable d'une rubrique littéraire. Très inspiré par les perturbations atmosphériques qui l'empêchaient de s'occuper de son jardin, il lui avait déclaré qu'il écrivait parce qu'il s'emmerdait à la campagne. Au vu de la pléthore de ses nouvelles publications reçues depuis lors, je constate que notre ami Pierre ne semble pas avoir cessé de s'emmerder, ni la pluie de tomber sur Carpentras. Son ennui serait-il devenu graduellement plus important au contact multivitaminé de sa substance verbale, responsable d'une accoutumance préjudiciable à son organisme d'auteur ? Écrire toujours plus pour s'emmerder un peu moins ?J'ai beaucoup apprécié la compagnie de cet homme à l'époque où son lectorat n'était constitué que de quelques proches ou de son boucher en congé maladie. Alité, il tournait comme il le pouvait les pages du temps, faute d'objet plus tranchant pour tailler dans le vif du sujet animal. Pourquoi, dès lors, ne pas ouvrir à mains nues le dernier livre de l'un de ses fidèles clients ?Pierre entretient un très bel espace arboré qui pourrait donner l'illusion qu'il vit en pleine cambrousse, sorte d'îlot préservé dans une petite commune de gens sans histoires. Ou, plus exactement, de gens qui ont oublié les leçons de l'histoire, dont ces quelques désagréments et effets secondaires de la peste brune lors de la dernière guerre. Aujourd'hui, elle revient s'asseoir sur leurs genoux, tout écoeurante de sucre et de miel rance, prête à sortir le dard au prochain jour du désordre nouveau. Pierre, il n'aime pas trop ça. Pour sortir de chez lui, il choisit d'aller s'oxygéner à quelques heures de là, dans les bistrots d'une belle et grande ville française, là où le bourgogne aligoté vit en bonne intelligence avec le gros rouge d'à côté, la limonade d'en face avec le Champagne du fond.J'étais chez lui au mois de juin, l'année dernière, à 824 kilomètres d'Ici, dont 682 sur voies rapides en Provence-Alpes-Côte d'Azur. À l'occasion de mon absence, la Belgique affichait un soleil ironique tandis que le Vaucluse enfilait un pull de plus. Je pensais à l'un de mes compatriotes expatriés à l'année au pays de l'andouillette, à cet autre en villégiature dans celui du foie gras, tous deux flirtant crapuleusement avec leur feu ouvert, attendant que ça se remette à l'endroit. Le dérèglement climatique les forcerait-il à descendre plus bas, voire à revenir sur leurs pas, la mine pâle et la queue basse ?Nous qui avons pris la grande décision de quitter la capitale depuis une dizaine d'années, en quête de plus vertes pâtures, nous opinons du chef : pour qui sait y faire, la campagne réunit les conditions favorables à l'épanouissement d'un bel ennui.