Quand Fenris naquit, il n'était, comme tous les louveteaux, qu'une petite boule de poils gluante, que sa mère lécha afin de la nettoyer. Mais dès qu'il écarquilla les yeux et ouvrit la bouche pour bâiller, il eut l'air tout à fait sanguinaire, épouvantable et cruel. C'était certes une qualité indéniable pour un loup, mais point trop n'en faut : ses frères eux-mêmes furent effrayés.Chaque fois que le petit Fenris approchait sa gueule pour téter, sa mère ne pouvait s'empêcher de frissonner. Elle en avait eu, des petits, mais celui-ci avait l'air si... féroce. Les frères et soeurs de Fenris avaient également peur de lui. Il ne faisait rien de spécialement affreux, il n'était pas plus méchant que les autres, mais rien qu'à le regarder, on se surprenait à claquer des dents.Fenris grandit. Il devint un loup immense, et son allure avait de quoi épouvanter les plus téméraires. Son pelage était rougeâtre, son torse puissant pointait sous sa gueule encombrée d'énormes crocs. Sur son dos poussaient des sortes de soies rêches qui lui dessinaient une espèce de crinière. Mais ses yeux étaient bien le plus glaçant du tableau : il avait un regard effroyable, que personne ne pouvait soutenir. Une lueur écarlate habitait ses prunelles.Les loups, comme chacun sait, vivent en meute. Mais la compagnie de Fenris mettait les nerfs de tous à rude épreuve. On se retournait, ayant entendu un bruit, et on poussait un glapissement d'horreur lorsqu'on se retrouvait face aux yeux luisants du grand loup rouge. Et il se produisit une chose commune, qui fut que Fenris, à force d'avoir malgré lui l'air méchant et de terroriser chacun par sa seule apparence, finit par devenir vraiment cruel.