D'accord, j'ai déconné.Mais c'est aussi la faute de ce blaireau de Kylian. Depuis ma tentative de décoloration ratée, il y a trois mois, il me poursuivait de ses moqueries, en m'appelant Barbie, en ridiculisant tous mes efforts pour paraître normale.J'ai fini par craquer.Mardi, à la cantine, j'ai rempli mes poches de portions de fromage. J'ai attrapé son Eastpak et je l'ai badigeonné de Vache qui rit avant de le refermer.C'était puéril mais ça m'a défoulée. J'ai un peu honte de m'être abaissée au niveau d'un collégien immature avec ma vengeance fromagère. Mais au moins, cette fois, je ne l'ai pas frappé. À mes yeux, cela constituait une circonstance atténuante.M. Caton, lui, n'était pas de mon avis.Bien sûr, Kylian m'a tout de suite soupçonnée. Insultes. Course-poursuite dans les couloirs. Intervention du proviseur.Et me voilà, le samedi après-midi, en train de nettoyer les tables de la salle de permanence du lycée Gustave-Caillebotte. Je me demande de quoi j'ai l'air avec mon éponge et mon seau. J'ai beau frotter, je n'arrive pas à effacer toutes les taches d'encre, les mots au blanco, et encore moins les gravures dans le bois.Sur l'une d'elles, je lis : «Lana Blum = salope». C'est toujours agréable.Ma seule consolation, c'est que le mot semble ancien. Il faut dire que je me suis tenue plutôt tranquille ces derniers mois.Avec ma mère, on a mis en place une sorte de paix armée après les événements d'octobre. Elle ne me cherche pas et, de mon côté, je me contiens. Du coup, c'est plus vivable à la maison. On se réapprivoise petit à petit. Bien sûr, elle m'énerve toujours autant avec ses chignons impeccables et ses uniformes d'hôtesse de l'air tirés à quatre épingles, mais je respire lentement et ça passe.Au lycée, la situation s'est améliorée aussi. Mes notes sont (un peu) meilleures. J'ai évité soigneusement les mots et les heures de colle. J'ai rejoint le club de journalisme pour apprendre à rédiger des articles et à régler un appareil photo. On a travaillé sur la brochure de présentation de l'établissement, racontant son histoire, détaillant ses caractéristiques.En sport, j'ai même été félicitée par le prof, M. Lyhus. On devait grimper à la corde, puis sur le mur d'escalade, et je m'en suis à peu près tirée.