ExtraitRAYPome s'est assise dans le canapé. Je buvais mon café, dans mon fauteuil, comme j'ai l'habitude de le faire après le déjeuner. Je suivais d'un oeil distrait la fin du journal télévisé. Après les nouvelles catastrophiques du jour, désastres économiques, militaires et écologiques, un type enthousiaste présentait le gagnant du concours des Villages fleuris. C'était comme le dessert après les épinards, une consolation sucrée. Il fallait voir tous ces braves gens suspendre à leurs fenêtres des marmites débordantes de géraniums et planter des pétunias obèses dans des bacs en béton... Voilà qui redonnait confiance dans l'humanité ! Quelqu'un qui a passé, comme moi, toute sa carrière dans la police finit par avoir des doutes. On en voit de toutes les couleurs dans les commissariats, et rarement dans la gamme pastel. Les caractères fragiles ont vite fait de se laisser gagner par la tristesse et le désenchantement. Mais je suis un gars solide. J'ai tenu bon. Mon fils Gérard m'a souvent reproché de manquer de sensibilité, et même d'imagination. Une manière comme une autre de me dire qu'il me prend pour une brute. Une brute, c'est quand même exagéré. Car enfin... si je suis raide, je ne suis pas méchant. Mais à quoi bon me justifier ? La vie est une aventure difficile. Je ne vois pas l'intérêt de la compliquer encore en accordant de l'importance aux reproches des uns et des autres. Non aux reproches, oui aux villages fleuris...J'en étais là de mes considérations, quand la petite voix de Pome m'a sorti de ma somnolence.- Ils font semblant devant la caméra, a-t-elle lancé sans quitter des yeux l'écran de la télévision. Ça m'étonnerait qu'ils soient aussi gentils avec leurs voisins qu'avec leurs plantes.J'ai sursauté.- Qu'est-ce qui te permet de dire ça ? Moi, je vois de braves gens qui s'adonnent à des occupations pacifiques. Bien à signaler.Elle est restée silencieuse un moment. Puis elle a dit :- Tu vois ce que tu vois. Mais tu ne vois pas tout.