ExtraitEn cinquième, Gwenaëlle était LA seule fille de la classe à avoir couché. En plus d'être quelque chose qui se savait (tout le monde semblait au courant), c'était quelque chose qui se voyait. Se dégageait de Gwenaëlle un truc que nous toutes, les autres de la classe, n'avions pas. Quelque chose de plus... femme. Gwenaëlle avait couché et ça se savait. Mais bizarrement, je n'avais pas tellement envie de lui ressembler. C'était comme si Gwenaëlle l'avait fait trop tôt, avant tout le monde. Gwenaëlle était précoce. Déjà au niveau des seins. Dès la sixième, ses seins, c'était des missiles. Et puis même à tous les niveaux. La bouche brillante ultra pulpeuse, les cheveux blonds à la Marilyn. Gwenaëlle faisait fantasmer tous les mecs de la classe. Mais pas les filles. Les filles n'étaient même pas jalouses de Gwenaëlle, parce qu'elle était trop différente. Aucun moyen de se comparer à Gwenaëlle, comme si la matière même de son corps, de ses cheveux, venait d'une autre planète. Et Gwenaëlle venait réellement d'une autre planète, une planète où les filles couchent trop tôt, où elles se maquillent trop tôt, où elles rient trop fort, ça effrayait un peu les autres.Mais après Gwenaëlle, il y en a eu d'autres. Le début d'une longue liste. D'abord Tiffany. Qui a couché avec un mec que personne n'a jamais vu, mais je la crois sur paroles. Tiffany aussi est précoce, pas autant que Gwenaëlle, mais elle habite dans un village, et là-bas elle sort avec un type depuis plusieurs mois, alors fatalement ça devait arriver. Tiffany n'a pas voulu raconter dans les détails. Elle a juste dit que ça s'était passé dans la voiture et elle avait l'air super fier de nous annoncer en même temps qu'elle sortait avec un mec qui avait une voiture. Nous autres, les filles de la 4e C, on était impressionnées. Mais personne n'a osé poser de questions, Tiffany était juste passée de l'autre côté, du côté des filles qui l'ont fait. Qui ont l'air moins cruche. Moins gogol. L'air des filles qui sont enfin sorties de l'enfance. Mais jusque-là, pas de panique. Comme je n'enviais pas Gwenaëlle, je n'étais pas non plus une fan absolue de Tiffany et je n'avais pas plus que ça envie de lui ressembler. Juste, Tiffany est devenue plus mystérieuse avec nous. Plus distante. Un peu supérieure même. Elle, elle savait de quoi il retournait. Elle connaissait le truc. Et ça la rendait drôlement silencieuse. Parce que nous, toutes les autres de la 4e C, toutes les autres qui ne l'avaient pas encore fait, vers le deuxième trimestre, on s'est mises à ne plus parler que de ça. Comme si nous avions décidé d'illustrer le proverbe «Ce sont ceux qui en font le moins qui en parlent le plus».