Ling avait dix ans. Il vivait près de Wen, un petit bourg tout proche de la frontière chinoise, non loin d'une route caillouteuse qui menait bêtes et gens aux rizières voisines.Derrière sa maison et au-delà du chemin, de hautes herbes effilées dressaient une véritable barrière végétale entre le monde humain et le royaume des animaux.C'était l'entrée des marécages, lieu sinistre où pullulaient insectes et serpents. L'eau n'y était pas comme ailleurs. Épaisse et profonde, elle ne laissait aucune chance à celui qui avait le malheur d'y tomber.Pendant la moitié de l'année, de lourdes nappes de nuages gris venus de l'océan voisin précipitaient sur la bourgade d'interminables pluies. Dévalant des collines alentour, elles déversaient dans les rues une épaisse boue rougeâtre qui, parfois, pénétrait jusqu'au coeur des maisons.À Wen, les hommes se croyaient maîtres de la nature, lui arrachant, à force de courage et de peine, les maigres récoltes qui leur permettaient de survivre.En réalité, l'eau était reine.Ling vivait avec sa mère et Jasmin, sa cousine, dans une maison faite de quelques mauvaises planches assemblées autour d'un sol de terre grossièrement nivelé. De petites ouvertures haut placées tenaient lieu de fenêtres. Parfois, un brin de soleil parvenait à se glisser dans l'unique salle où vivait la famille.L'un des coins de l'habitation servait de rangement. On y trouvait pêle-mêle un foisonnement d'objets divers : paniers d'osier, chapeaux en paille, vêtements trop usagés, mais qui, peut-être, pourraient servir. C'était là aussi que demeuraient les outils du père de Ling, disparu il y avait longtemps, lors d'une crue du fleuve jaune.Le père de Ling était un pêcheur. C'était un brave homme dont on aimait la gentillesse et la simplicité. On s'amusait de son amour des chansons d'autrefois qu'il sifflotait sans cesse et qui le faisaient reconnaître avant même d'être vu. Un jour, les villageois avaient appris qu'il était également courageux. --Ce texte fait référence à lédition Broché .
