ExtraitSurvivreL'assaut eut lieu à midi.Les singes assiégés poussèrent des glapissements de panique. Les assaillants langurs, dévalant des murs du Cimetière en une tornade de fureur guerrière, se répandaient parmi les tombes tel un flot dévastateur. Peur et terreur surgirent en tous lieux. Et dans les hurlements monta l'odeur du sang.Ce fut si rapide, si effrayant que Papina eut à peine le temps de penser.Au moment de l'attaque, elle était en train de se délasser dans la tranquillité tachetée de soleil ; soudain, sa mère l'avait saisie pour bondir dans les banians, abandonnant tout dans leur fuite éperdue.Ballotée de branche en branche, cramponnée à sa mère, Papina regarda vers le bas et vit le raz-de-marée des singes langurs qui submergeait le Cimetière. Ils fondaient sur leurs victimes avec des braillements féroces puis les tiraient dans l'ombre afin de les y achever ; les griffes langurs déchiquetaient sans pitié la chair rhésus.Papina ferma les yeux pour tenter d'effacer l'horreur et, brusquement, surgit dans son cerveau l'image de la seule chose qui eût encore du sens pour elle...- Ma statuette !- Quoi ? ! tonna Willow, incrédule.- Il me la faut ! s'écria ardemment Papina.À croire qu'avoir sa statuette avec elle réparerait le mal. -Non !- S'il te plaît !À cet instant, le rideau de végétation devant elles s'écarta dans un bruit sec et apparurent deux Langurs menaçants qui s'élancèrent vers elles.Willow lâcha sa branche et se laissa tomber - quelques secondes de chute libre - avant de se saisir d'une vigne grimpante et de pivoter pour rétablir son équilibre.Leurs griffes éraflant la pierre, Papina et Willow escaladèrent le mur d'enceinte et sautèrent de l'autre côté, à l'extérieur du Cimetière qu'elles quittaient pour la première fois de leur vie.Il ne leur restait plus qu'à courir.Parti au ravitaillement, Chaat était loin de se douter de la catastrophe.Il revenait par les rues de la ville, chargé de quelques grenades chapardées à droite à gauche, lorsqu'il manqua de trébucher sur un groupe de singes tremblants recroquevillés dans un coin sombre. Ils semblaient tellement hagards que Chaat les prit pour de pauvres vagabonds. Puis Willow prononça son nom et il se rendit compte que ces sans-abri misérables étaient sa propre famille.