Extrait de l'introductionLa première secousse arracha les habitants à leur sommeil, Rodolpherus ouvrit brusquement les yeux.Un grondement soudain déferla vers les buttes avoisinantes. Sourde et gutturale, la plainte émergeant de la terre résonna pendant trois longues secondes. Cette force issue du dessous donnait le sentiment qu'un orage se préparait à l'intérieur même du sol. Le magicien sentit la température de son sang baisser, et ses membres se raidir. Les deux degrés de moins granulèrent sa peau, qui fut parcourue d'un frisson continu. Il connaissait ce phénomène : son corps, en provoquant sa propre asthénie, prévenait une agitation nerveuse, autrement plus dangereuse, qui n'aurait pas manqué d'avoir lieu après un réveil si brutal.Où était-il ?Le décor ne lui était pas étranger mais le tumulte brouillait encore sa clairvoyance. Ces paysages, l'architecture marquée des habitations, l'accoutrement des autochtones... Il ne pouvait se trouver qu'au Japon. Mais à quelle époque ?La violence palpable alentour l'empêcha de réfléchir davantage à sa condition. Il aperçut écureuils, grues, chats, rats, insectes, chiens et renards qui tous, prédateurs et proies confondus, décampaient vers les hauteurs. À n'en pas douter, un tremblement de terre d'une rare intensité venait de commencer. Agir requérait lucidité et vivacité, deux aptitudes que la température du sang du magicien ne favorisait pas. D ressentait l'angoisse de tous les êtres, à des kilomètres à la ronde, grâce à un instinct animal le reliant de manière sensitive à la nature. Parvenu à se mettre debout, Rodolpherus vit les premiers habitants s'extirper de leurs habitations.Les bruits et les cris qui accompagnaient la fuite incitaient les plus sceptiques à évacuer leur maison sur le champ. L'obscurité était par instant déchirée de regards perdus et de reflets fuyants.La peur prit le pas sur la panique. Un véritable hurlement de monstre sortant de terre arracha des larmes aux enfants, qui se blottirent spontanément contre leurs parents. Pourtant, aucune secousse sérieuse ne suivit la caverneuse vague sonore, ce qui rassura, pour un bref instant, la population. Seuls les animaux, guidés par leur instinct, ne cessèrent pas leurs efforts, pressés de trouver refuge au plus haut des cimes.Rodolpherus, lui, voyait clair dans cette noirceur de mauvais augure. Le soleil sur le point de se lever semblait retarder son apparition.La deuxième secousse s'amorça moins d'une minute plus tard. Elle n'était en rien comparable à la précédente. Le bruit venant des entrailles terrestres retentit à l'instant même où les tremblements se firent sentir. Sa violence dépassait de loin celle de la première. Elle ébranla toute la population, qui s'affala comme un seul homme. Maisons, barrières, portes, pilotis, carrioles, arbres et murs, tout tremblait. Le bois, les métaux, la pierre et le verre se craquelaient, se brisaient, ou se fissuraient dans des crissements insoutenables. Les pleurs, les cris et les plaintes s'assourdissaient devant le chaos sonore provoqué par les éléments. Les petites éoliennes succombèrent d'abord, tombant comme des mouches les unes après les autres. Un vent violent emportait avec la même aisance les linges étendus et les plus imposantes toitures. (...)