ExtraitLe choixMa curiosité m'a toujours trahie, mais a été le moteur nécessaire à l'exercice de mon métier de psychanalyste. Sans cela, point de questionnements, ni d'interrogations, ni de recherches...Non, au début, ce ne sont pas les cheveux blancs qui m'ont alertée. J'en ai depuis longtemps ; je tiens ça de mon grand-père. Mêlés à mes mèches blondes, personne n'y prête attention.Non, ce ne sont pas les signes avant-coureurs de la vieillesse : le dos un peu courbé, le manque d'énergie, les coups de pompe un peu plus fréquents...Mais, voilà, c'était arrivé ainsi, subitement : un éclair, une décision, voire une détermination : il était temps de témoigner. Cette heure-là était enfin advenue.Afin de réaliser mon projet, l'écriture d'un «journal» m'a paru la plus adaptée pour transmettre au mieux mon expérience de terrain, en décrivant ainsi le quotidien d'une analyste d'enfants.J'ai souhaité communiquer mes découvertes théoriques et mon vécu pour aider à une meilleure connaissance de l'inconscient; j'ai reçu des plus anciens ce précieux capital et, à mon tour, j'ai désiré passer le flambeau !Par le biais de mon journal, j'ai pu ainsi dévoiler mon hypothèse principale : démontrer que l'enfant, de par sa position, est le porte-drapeau des dysfonctionnements familiaux en s'appropriant les conflits non résolus des inconscients parentaux, leur refoulé.Mais, pour concrétiser mon plan, j'ai dû choisir...Debout devant mes étagères, les mains sur mes hanches confortables, j'ai contemplé avec effarement les piles de dossiers bariolés, entassées en désordre sur les planches de bois : comment faire le tri dans toute cette paperasserie ?La rédaction de mon journal m'a obligée, ce dont j'ai horreur, à trancher, à élaguer, à concentrer, à éliminer, en un mot à jeter. Je n'ai jamais aimé les arbres coupés...J'ai la manie de l'écriture : déjà, toute petite, je recopiais avec plaisir les lettres rondes de mon prénom et de mon nom que j'apposais au bas des pages et de mes dessins. Comme pour conforter mon identité.Pour satisfaire à mon habitude, j'ai toujours aimé collectionner les stylos : à encre, à bille, du moment que la plume glisse sur le support lisse, sans bruit, sans raclement, tel un chiffon sur une plaque de marbre.Cette passion graphique ne s'est pas arrangée avec le temps. Bien au contraire... Mon métier de psychothérapeute m'invitant encore plus à noircir les feuilles blanches. Au fil des séances, les notes se sont accumulées et ma frustration s'est avérée d'autant plus grande, lorsque le temps me manquait de m'adonner à mon obsession quotidienne.