108 « La véritable nouveauté qui perdure est celle qui a repris tous les fils de la tradition et les a tissés en un motif que la tradition ne pouvait pas tisser. (
) Tout homme de génie reprend le vieux vêtement usé jusqu'à la corde. » Pessoa Le Shôbôgenzô (La vraie Loi, Trésor de l'il) est l'uvre majeure de Dôgen (1200-1253), le fondateur de l'école Sôtô zen au Japon. Ce grand monument de la pensée japonaise consiste en un recueil de plus de quatre-vingt dix textes, dont neuf sont ici proposés au lecteur dans une traduction annotée de Yoko Orimo, l'une des meilleures spécialistes de la pensée de Dôgen, une japonaise qui vit et travaille à Paris. Il s'agit d'une grande première scientifique, ces textes restés secrets jusqu'au XIXe siècle, n'étaient jusqu'à maintenant disponibles qu'en anglais ou sous une forme d'approximations peu fiables. La pensée de Dôgen s'enroule autour de quelques idées maîtresse : la pratique épurée de la méditation assise, l'étude assidue des textes bouddhiques, la vénération des pratiques rituelles, le non-dualisme de l'éveil et de l'égarement, la Nature et le symbolisme du Livre. Le sens doit se réaliser comme présence à ce juste moment tel quel où la pureté de la méditation assise transperce l'univers bigarré du Trésor. C'est seulement lorsque l'on parvient à percevoir l'origine du Soi et à percer le mystère de sa propre existence, si peu que ce soit, que le sens d'un mot, d'une proposition ou d'un passage du Trésor se réalise comme présence, ici et maintenant pour chacun de nous.