L acédie, définie par les Pères du désert au IVe s. comme la plus terrible des maladies de l âme, hante notre modernité par¬venue à son zénith : le monde de l entreprise, le couple, la vie familiale, les amitiés. Le vide politique, les paroles creuses, les promesses sans lendemains, les vaniteux comme modèles, la dictature du « on », la finance qui dépasse la démocratie, les pervers narcissiques aux commandes... La course au toujours-plus et au toujours-plus-vite a engendré le Rien. L acédie, maladie de l ego qui vide l âme, est celle du monde contemporain en crise. « Dans l acédie, continue de tresser tes paniers. Pose des actes d amour même si tu as perdu foi en l amour ! » Ainsi parlaient les Pères du désert. La perte de soi, l insensibilité à autrui, le temps qui suspend son vol dans un ennui mortel sont en réalité une rupture avec la profondeur de l existence. Seuls le rite et la régu¬larité permettent de rompre l acédie. Sans la sanctuarisation d espaces désintéressés d amitié et de paix, la fraternité s épuise ; en réalité, la bénédiction généreuse de la vie la fertilise. Ainsi, la crise peut ouvrir la porte d un autre monde. Alors, notre existence jaillit en plénitude, du présent surgit l éternité, nos errances d éga¬rés font chemin, ensemble, vers la liberté.